ESTÈBE, GUILLAUME,
négociant, entrepreneur, garde-magasin, membre du Conseil supérieur, seigneur,
né en 1701 dans la paroisse Sainte-Trinité de Gourbit (dép. de l’Ariège,
France), fils d’Arnaud (Armand) Estèbe et d’Elizabeth Garde, décédé
probablement en France, après 1779.
Fils de marchand, Guillaume Estèbe était déjà en
relation avec certains négociants français avant de s’embarquer pour la
colonie. Il se trouve à Québec en 1729, en tant que marchand forain, porteur
d’une procuration d’un négociant de La Rochelle, Joseph-Simon Desherbert
de Lapointe. Peut-être retourne-t-il en France peu après mais, décidé à
s’établir au Canada, il épouse, le 8 novembre 1733 à Beaumont, près
de Québec, Élisabeth-Cécile, fille du marchand Étienne Thibierge. Les avoirs de
5 000 livres qu’il déclare dans son contrat de mariage, le douaire de
3 000 livres qu’il consent à son épouse et la qualité des témoins présents chez le
notaire Jacques BARBEL
permettent de croire que Guillaume Estèbe jouit déjà d’une certaine fortune et
qu’il s’est rapide ment créé des relations. Parmi les témoins au mariage se
trouvent Jean Crespin, membre du Conseil supérieur et colonel de milice, dont
Estèbe sera d’ailleurs l’exécuteur testamentaire deux ans plus tard, Louis-Jean POULIN
de Courval, procureur du roi, et Nicolas Boisseau, notaire et greffier de la
Prévôté de Québec.
Au cours des années qui suivent, Estèbe poursuit
simultanément diverses activités. En 1737, il achète une maison, rue
Saint-Pierre, qu’il revend 30 000 livres en 1750 à Jean-Baptiste AMIOT
(1717–1769). Il fait construire une autre maison dans la même rue en 1752 par
Nicolas DASILVA, dit
Portugais, et la cède au munitionnaire général, Joseph-Michel CADET, pour la somme de 50 000# en 1757. En 1743,
il obtient une première concession, la seigneurie de Sabrevois, sur le
Richelieu, concession qu’il fait annuler l’année suivante, ayant appris que
cette terre « ne valait rien ». En 1744, il se fait concéder la
seigneurie de La Gauchetière, sur les bords du lac Champlain, et devient
propriétaire en 1753 de l’arrière-fief de la Mistanguienne, dépendant de la
seigneurie de Notre-Dame-des-Anges, qu’il revend quatre ans plus tard au
garde-magasin François-Joseph de Vienne.
Estèbe acquiert en 1739 des intérêts dans
l’exploitation des pêcheries de phoque sur la côte du Labrador en s’associant à
Jean-Baptiste POMMEREAU,
qui avait obtenu une concession à Gros Mécatina l’année précédente. Il y
conserve ses intérêts après la mort de Pommereau en 1742 [V. Joseph-Michel LEGARDEUR de Croisille et de Montesson]. En 1740, il
forme une société avec Henri-Albert de Saint-Vincent pour l’exploitation de la
concession de Petit Mécatina, qui jouxtait celle de Gros Mécatina, et obtient
en 1748, avec Jacques-Michel Bréard, une autre concession dans cette région.
Cette concession n’est d’ailleurs pas la seule entreprise dans laquelle Bréard
et Estèbe s’associèrent : sans compter le rôle de chargé d’affaires
qu’Estèbe joua auprès de Bréard, les deux hommes ont été des éléments
importants de la célèbre clique de l’intendant BIGOT.
Avant l’arrivée de Bigot dans la colonie, Estèbe
s’était déjà fait une place au sein de l’administration coloniale. Dès 1736 il
était nommé conseiller au Conseil supérieur et, lorsqu’il démissionne de ce
poste avant son départ pour la France, il est nommé par le roi, le 1er
février 1758, conseiller honoraire, honneur qui ne fut accordé en
Nouvelle-France qu’à lui et à François DAINE. Il
avait obtenu en outre, en 1740, le poste de garde-magasin du roi à Québec.
L’intendant HOCQUART reconnaissait d’ailleurs sa compétence dans
plusieurs domaines. En 1741, après l’effondrement de la compagnie formée par
François-Étienne CUGNET
pour exploiter les forges du Saint-Maurice, Hocquart nomme Estèbe son
subdélégué pour reprendre en main la direction de l’établissement. Estèbe se
rend sur place à l’automne et dresse un inventaire complet des forges. C’est
encore lui qui est choisi par l’intendant pour remplacer le commissaire de la
Marine lorsque l’on décide, au début de 1744, de procéder à une estimation des
forges. Cette même année, Hocquart lui confie, à deux reprises, la tâche de se
rendre sur la côte de Beaupré et à l’île d’Orléans afin d’acheter ou
d’emprunter aux habitants le blé et la farine nécessaires à la subsistance des
troupes et des habitants de Québec et des troupes de l’île Royale (île du
Cap-Breton).
C’est certainement au cours des dix dernières années
de son séjour en Nouvelle-France, pendant l’intendance de Bigot, que Guillaume
Estèbe amasse la plus grande partie de sa fortune ; après la Conquête, au
moment de l’Affaire du Canada, il avoue lui-même avoir quitté la colonie avec
près de 250 000#, ce qui est fort probablement au-dessous de la vérité.
L’auteur anonyme du « Mémoire du Canada » évalue pour sa part
cette fortune à 1 800 000#. Les liens qu’a Estèbe avec Bigot et
certains membres de son entourage, notamment Bréard et Pierre CLAVERIE,
lui permettent de participer à des entreprises commerciales très profitables.
Il s’occupe, entre autres, avec Claverie, au début des années 1750, d’un
magasin que les autres marchands de Québec surnomment, non sans raison,
La Friponne [V. Claverie]. En outre, le poste de garde-magasin
qu’Estèbe conserve jusqu’en 1754 le place dans une situation privilégiée pour
effectuer, à la demande de Bigot, certaines opérations frauduleuses. Lorsque
les navires de la société David Gradis et fils, de Bordeaux, avec laquelle
Bigot est associé, arrivent à Québec, Estèbe déclare au bureau du Domaine
d’Occident que la cargaison de ces navires est pour le compte du roi. Cet
artifice permet d’éviter de payer les droits d’entrée, qui sont en vigueur
depuis 1749.
Étant en France lorsque l’Affaire du Canada se déclare
en 1761, Estèbe est incarcéré à la Bastille avec les autres membres de
l’administration coloniale accusés de malversations. Au cours du procès qu’il
subit au Châtelet, il est accusé, entre autres, d’avoir fait des gains
illégitimes grâce à la survente de marchandises que les sociétés dans
lesquelles il était intéressé avaient fournies au magasin du roi, d’avoir
fourni à l’île Royale des vivres achetés au prix fort au nom du roi et d’avoir
eu des intérêts dans les vaisseaux frétés au nom du roi qui faisaient le
cabotage sur le fleuve ou qui transportaient des marchandises en Acadie.
Le jugement rendu le 10 décembre 1763 le condamnait à être
admonesté en la chambre du conseil, à verser une aumône de 6 livres et à restituer
30 000 livres.
Cette condamnation ne semble pas avoir eu d’effet sur
la carrière administrative d’Estèbe. Il occupe, semble-t-il, pendant plus de 20
ans après son retour en France le poste de secrétaire du roi à la chancellerie
de Bordeaux. En 1779, Estèbe demande que les lettres d’honneur de son emploi à
Bordeaux soient enregistrées au Conseil supérieur de Saint-Domingue (île
d’Haïti) où il désire aller rejoindre une partie de sa famille ; ce
transfert lui est refusé sous prétexte qu’il n’y réside pas lui-même. On perd
sa trace par la suite.
Texte supervisé par Mme Francine Barry
© 2000 University of Toronto / Université Laval
Construite en 1751, la maison Estèbe est un excellent exemple de la demeure urbaine cossue de la première moitié du 18e siècle. Située 92 rue Saint-Pierre à Québec, avec sa façade de 20 mètres sur 15, et ses 21 pièces chauffées par huit foyers, l’imposante maison est sans contredit l’un des joyaux du patrimoine architectural québécois. Bien qu’elle soit construite avant la Conquête, soit en 1751, la demeure urbaine cossue de Guillaume Estèbe présente les caractéristiques de la maison monumentale : structure plus imposante que la maison habituelle, peu d’ornementation, trois étages et construite en pierre. De style architectural français, sa taille se rapproche des plus imposants presbytères avec une superficie d’environ 900 m2. Transformée en maison d’artisans, elle servira de magasin au rez-de-chaussée et de résidence à l’étage pour des brasseurs d’affaires pendant la première moitié du XIXe siècle.
Maison de Guillaume ESTEBE à POMPIGNAC 33
ARBRE GÉNÉALOGIQUE DE ESTEBE Guillaume
© 2000 University of Toronto / Université Laval
MAISON de Guillaume ESTEBE à QUÉBEC
Construite en 1751, la maison Estèbe est un excellent exemple de la demeure urbaine cossue de la première moitié du 18e siècle. Située 92 rue Saint-Pierre à Québec, avec sa façade de 20 mètres sur 15, et ses 21 pièces chauffées par huit foyers, l’imposante maison est sans contredit l’un des joyaux du patrimoine architectural québécois. Bien qu’elle soit construite avant la Conquête, soit en 1751, la demeure urbaine cossue de Guillaume Estèbe présente les caractéristiques de la maison monumentale : structure plus imposante que la maison habituelle, peu d’ornementation, trois étages et construite en pierre. De style architectural français, sa taille se rapproche des plus imposants presbytères avec une superficie d’environ 900 m2. Transformée en maison d’artisans, elle servira de magasin au rez-de-chaussée et de résidence à l’étage pour des brasseurs d’affaires pendant la première moitié du XIXe siècle.
Plans et élévations de la maison Estèbe, vers 1929 |
Maison de Guillaume ESTEBE à POMPIGNAC 33
ARBRE GÉNÉALOGIQUE DE ESTEBE Guillaume
Généalogie de ESTEBE Guillaume |
Acte de mariage de ESTEBE Arnaud et de GARDES Elizabeth - 2 juin 1682 à GOURBIT 09 |
Acte de décès de ESTEBE Guillaume - 28 ventose an 4 à POMPIGNAC 33 |
Acte de décès de THIBIERGE Cécile - 1 frimaire an 4 à POMPIGNAC 33 page 1 |
Acte de décès de THIBIERGE Cécile - 1 frimaire an 4 à POMPIGNAC 33 page 2 |
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